2 – Le Néolithique
Audiodescription réalisée par l’association Accès-Cité
La commune de Fleury-sur-Orne présente un rapport particulier à la période néolithique (5000-2000 avant J.-C.). Ses grandes voisines historiques telles que Fontenay-le-Marmion ou Saint-Martin-de-Fontenay présentent un semis d’occupations attribuées au Néolithique qui témoigne d’un véritable attrait pour le secteur. Sans que ces occupations qui résultent de ramassages de surface soient bien définies, on peut y voir l’installation de communautés dans ces secteurs où les terrains légers et profonds sont tout à fait adaptés à l’agriculture céréalière. Les ramassages de silex taillés dispersés dans les labours sur plusieurs hectares sont alors les ultimes vestiges des habitats individuels ou collectifs qui se sont succédé. Les attributions chronologiques fines sont délicates à obtenir pour ces sites offrant souvent des mélanges entre plusieurs périodes. Toutefois, la découverte d’outils particuliers (armatures de faucille par exemple) ou de parures (bracelets en schiste par exemple) témoigne d’une emprise précoce dans l’installation des néolithiques dans le secteur, comme en témoignent également la fouille de quelques habitats autour de 5000-4800 avant notre ère sur les communes voisines.
Quoiqu’il en soit, et malgré les témoignages fugaces de ces occupations que l’on pourrait qualifier de domestiques, c’est en direction de l’archéologie funéraire que la commune de Fleury acquière une dimension particulière[1], que l’on pourrait qualifier d’internationale, à l’instar de sa voisine Fontenay-le-Marmion et de ses deux monuments funéraires collectifs de La Hogue et de La Hoguette. A Fleury, point de monument collectif limité dans l’espace mais au contraire une démesure dans l’établissement d’une nécropole qui couvre une trentaine d’hectares. Installée dans la plaine plate des Hauts de l’Orne et débordant sur la commune voisine d’Ifs, elle correspond à la juxtaposition de monuments funéraires individuels de dimensions variées. Ils se présentent sous la forme de tertres très allongés, élevés probablement de moins d’un mètre de hauteur par l’accumulation de mottes de gazon prélevées autour des monuments. Un fossé entoure chaque tumulus, peu profond, jouant un rôle symbolique plutôt que d’obstacle. La plupart de ces tumulus mesurent une centaine de mètres de longueur pour dix de largeur. Certains sont toutefois beaucoup plus petits, moins de vingt mètres de longueur. Enfin, les deux plus grands monuments, de plus de 300 mètres de longueur, correspondent aux plus grandes sépultures connues d’Europe occidentale. Une telle démesure dans la construction de monuments funéraires qui sont destinés à l’origine à recouvrir la tombe d’un seul individu laisse perplexe. Elle nous renseigne sur les capacités de ces populations à élever des édifices monumentaux pour quelques individus qu’il nous faut bien considérer comme les représentants d’une forme d’élite locale. Les tombes en elles-mêmes ne sont que rarement ostentatoires. En dehors de quatre sépultures particulières, les autres ne comprennent qu’un individu déposé en « chien de fusil », avec parfois une série de pointes de flèche qui témoignent que certains hommes ont été déposés avec leurs armes. En revanche, aucune céramique ni élément de parure ne les accompagne. Les quatre sépultures plus « prestigieuses » comprennent l’association de l’inhumé avec des squelettes de mouton (entre un et douze moutons selon les tombes). Ces moutons, béliers, brebis ou agneaux, ont vu leur peau prélevée avant leur dépôt dans la tombe. L’absence d’une partie du crane, des dernières phalanges des pattes et des vertèbres de la queue témoigne du prélèvement des toisons qui pouvaient être exposées en dehors des tombes.
[1] -Emmanuel Ghesquière (INRAP) a dirigé les fouilles archéologiques du site en 2014 et a rédigé ce chapitre consacré au Néolithique.
Plusieurs autres structures monumentales sont présentes sur la nécropole, tel un grand tertre beaucoup plus élevé (monument 29), avec de très larges fossés et pour lequel aucune sépulture n’a été découverte à sa base, malgré un très bon état de conservation du tertre. L’hypothèse d’édifice non funéraire, éventuellement cultuel peut alors être proposée. Un alignement de poteaux très massifs, vraisemblablement utilisé pour planter de grandes pièces de bois, sous la forme de menhirs en bois ou de « totems », est également présent au sein de la nécropole, de même qu’un double alignement de trous témoignant pour leur part de la succession de pierres dressées, de tailles modestes sans doute étant donné le choix des roches locales (dalles de calcaire ou de grès rouge).
Cette nécropole est édifiée à partir de 4600 avant J.-C. et son utilisation se prolonge durant au moins sept siècles, avec une plus forte période d’inhumation aux alentours de 4350 avant JC. Le début de la période d’utilisation de la nécropole correspond à la fin de ce que l’on considère comme le Néolithique ancien, période d’installation et de développement des communautés néolithiques pionnières de tradition danubienne, qui s’installent vers 5100 BC dans la Campagne de Caen. Vers 4600, ce mouvement pionnier s’essouffle et l’homogénéité du bagage culturel commence à se disloquer sous la poussée des particularismes régionaux. La période de plus forte utilisation de la nécropole, vers 4350 avant J.-C., correspond alors au début de la période du Néolithique moyen II, qui verra en particulier l’apparition et le développement de l’architecture funéraire collective, sur la bande littorale Manche/Atlantique. Ces monuments prendront une forme mégalithique, les dolmens, là où le matériau le permet (le Massif armoricain) et une construction en plaquette (ou mixte plaquettes/grandes dalles) dans la Campagne de Caen.
Ce mégalithisme collectif trouve également sa place dans la nécropole de Fleury, à côté des formes tumulaires individuelles et en même temps que ces dernières. Deux cairns construits en plaquettes calcaires, offrant une chambre funéraire ou plusieurs corps ont été inhumés (au moins 4 pour le monument 40 et au moins 20 pour le monument 9) sont ainsi présents au cœur de la nécropole et cinq autres cairns sont présents à 200 m à l’est (sur la commune d’Ifs) et sont considérés comme la limite orientale de la nécropole des Hauts de l’Orne.