5 – Les réfugiés de 1944

Audiodescription réalisée par l’association Accès-Cité

En exploitant la pierre de Caen pour la construction, les carriers ont laissé dans l’agglomération caennaise environ 300 hectares de carrières souterraines dont une bonne partie est encore accessible. Elles sont situées à Venoix, à la Maladrerie de Caen, à Carpiquet, à Hérouville-Saint-Clair, à Mondeville et à Fleury-sur-Orne.

Le Débarquement du 6 juin 1944 est suivi immédiatement par la fuite d’une partie des habitants de Caen vers le sud. Dans les jours qui suivent, les habitants de l’agglomération cherchent des refuges, bien souvent dans les carrières souterraines comme à Carpiquet ou à Mondeville. On estime aux environs de 20 000 le nombre d’habitants ayant fait un séjour sous terre en comptant ceux qui ne font qu’y passer un ou deux jours et ceux qui y séjournent cinq à six semaines.

 

A Fleury-sur-Orne, existent quatre grands sites-refuges qui ont protégé environ 12000 civils. Dès le 6 juin 1944, pris sous d’intenses bombardements, ils entrent dans la carrière Saingt, dans les carrières des Coteaux, dans la carrière Fouquet et dans la carrière Pochiet. Toutes sont utilisées respectivement par des brasseurs, des champignonnistes et deux industriels carriers. Tous ouvrent leurs portes aux civils et certains organisent leur séjour avec l’aide de leurs équipes.

La vie souterraine diffère entre les sites. Dès le début, elle est bien organisée dans la carrière de la brasserie Saingt, dans celle de Pochiet et dans celle de Fouquet mais plus chaotique dans les Coteaux. L’arrivée des Allemands vers la fin du mois de juin entraîne des évacuations et des déplacements un peu partout sauf chez Pochiet. Tout est problème. Il faut chercher la nourriture à l’extérieur, au risque de sa vie. Il faut organiser la préparation individuelle ou collective des repas vers les entrées.

L’accès à l’eau est difficile dans deux des quatre carrières. Aux Coteaux, il faut aller la puiser dans l’Orne ou bien aller la chercher dans le puits de la carrière Fouquet en suivant un chemin compliqué et obscur. L’hygiène est précaire.

Beaucoup de réfugiés ont emporté des effets personnels, de la vaisselle, parfois des chaises, des matelas. On aménage des lieux de vie en tentant de conserver une certaine intimité, en tendant des draps par exemple. La paille pour dormir est présente partout, avec son cortège de puces.

L’éclairage manque, assuré tant bien que mal par des lampes à acétylène, alors très employées, des bougies et des lampes à pétrole. Sous terre, la température avoisine 13°C et il n’est pas possible de faire du feu sans se retrouver dans un brouillard opaque. Alors, certains se réchauffent grâce à des braseros où l’on place des braises et d’autres utilisent des briques comme chaufferettes.

Au cours de la bataille de Caen, les Allemands s’invitent sous terre. Ils n’entrent pas dans la carrière Pochiet mais viennent dans celle de Fouquet où ils provoquent une évacuation dramatique le 14 juillet ; plusieurs personnes sont tuées par un obus dans le chemin de sortie. Dans les Coteaux, ils réquisitionnent deux carrières en expulsant les habitants et installent des pièces d’artillerie dont les tirs provoquent des répliques en retour. Dans la carrière Saingt, ils installent une infirmerie et procèdent à des évacuations. La coexistence est très souvent difficile.

A partir du 20 juillet, les civils commencent à évacuer les carrières souterraines et à la fin du mois, il n’y a pratiquement plus personne à l’intérieur.

Cette occupation d’un mois et demi a laissé des traces matérielles. Parfois, elles ont été effacées comme dans les Coteaux car les carrières ont été réutilisées peu après par les  champignonnistes qui ont tout nettoyé. Dans les carrières Fouquet, il reste des lambeaux de sols d’occupation un peu partout en raison des travaux souterrains après guerre. La carrière Saingt a été beaucoup plus préservée et a été l’objet d’études archéologiques  poussées à partir de 2007 et plus particulièrement en 2017-2021. Le site est maintenant très bien documenté.